Contenu de la réadaptation

L'éducation

Premièrement, il doit être clair pour toutes les personnes atteintes d'EM/SFC prenant part à un programme de réadaptation que l'EM/SFC est une grave maladie qui ne peut être guérie par des stratégies conservatrices (voir la partie intitulée « Discussion » ci-dessous). Deuxièmement, les cliniciens appliquant des stratégies de réadaptation pour intervenir auprès des personnes atteintes d'EM/SFC doivent être au fait de la diversité des obstacles possibles à l'obtention de résultats positifs de réadaptation. Il est nécessaire de comprendre ce trouble souvent sous-estimé afin de déceler les obstacles survenant au cours de l'évaluation préliminaire du patient. Par exemple, le fait de commencer le programme de réadaptataion par la thérapie par l'exercice n'est pas susceptible d'avoir les effets bénéfiques recherchés s'il y a surmenage au cours des activités quotidiennes et provoquera une fluctuation de l'état de santé des patients. De la même manière, les patients ayant des croyances erronées quant à leur maladie, des pensées catastrophiques, ou étant incapables d'accepter le fait qu'ils sont gravement malades, seront davantage susceptibles de ne pas adhérer à leur programme de réadaptation à moins que ces problèmes soient traités au cours de la première phase de traitement. Voilà pourquoi l'éducation est si importante à la première phase du traitement.

Le contenu et l'orientation de l'éducation devraient être diversifiés et axés sur la clientèle. Les patients atteints d'EN/SFC sont susceptibles de tirer profit de la prestation intensive d'éducation à propos de la neurophysiologie de la douleur chronique généralisée et de la sensibilisation centrale. Cela aurait également pour effet de réduire leurs pensées catastrophiques et d'améliorer leurs stratégies d'adaptation (Meeus 2008). Certains patients consultent un spécialiste en réadaptation afin d'entreprendre un programme thérapeutique d'exercices graduels, mais se surmènent simultanément à accomplir des tâches de la vie quotidienne et signalent des fluctuations dans leur état de santé. Il est nécessaire de fournir une éducation poussée à ce type de patients sur la nature du malaise après l'effort caractéristique de l'EM/SFC (figure 1). Ce type d'éducation constitue un préalable à l'enseignement de stratégies d'autogestion de l'équilibrage (pacing) du niveau d'activité. D'autres patients ont besoin d'être sensibilisés aux facteurs de perpétuation de leur maladie. Parmi ces facteurs, on trouve, par exemple, une incapacité à s'adapter aux facteurs de stress quotidiens ou la peur du mouvement liée à un mode de vie sédentaire. La prestation intensive d'éducation et la discussion approfondie sur ces questions au cours d'une rencontre individuelle sont nécessaires pour motiver le client à participer activement à tous les aspects de son programme de réadaptation.

En général, la première étape du processus de réadaptation des personnes atteintes d'EM/SFC consiste en un ensemble de stratégies personnalisées visant à stabiliser l'état de santé du patient (figure 2). S'il réussit à passer la première phase, le patient passe à la phase graduelle qui consiste en une thérapie au moyen de l'activité graduelle ou d'exercices graduels (ou une combinaison de ces deux stratégies).

Figure 2: Processus de raisonnement clinique des personnes atteintes d'EM/SFC


Figure 2

La gestion du stress

Étant donné l'épuisement des mécanismes de défense de l'organisme des personnes atteintes d'EM/SFC (tel qu'expliqué auparavant), il semble justifié de tenter d'accroitre la capacité du patient de s'adapter aux facteurs de stress quotidiens. La réadaptation offre une diversité de techniques de gestion du stress (par exemple, la respiration profonde, l'imagerie mentale ou la visualisation dirigée, la relaxation musuculaire progressive, la méditation, etc.) aux patients atteints d'EM/SFC. Le spécialiste en réadaptation enseigne au patient à appliquer ces techniques. La rétroaction biologique (biofeedback) est souvent très utile. Le patient devrait être en mesure d'appliquer ces techniques de gestion du stress de façon efficace en prévision ou à la suite d'une situation stressante. Même si on ne connait pas l'existence de données appuyant le recours à ces techniques dans le cas spécifique de l'EM/SFC, elles sont généralement comprises dans les programmes de réadaptation et de thérapie cognitivo-comportementale (voir le paragraphe qui suit consacré à ce sujet).

La rééducation respiratoire axé sur l'hyperventilation

Les personnes atteintes d'EM/SFC se plaignent souvent d'hyperventilation et d'essouflement lorsque qu'elles font de l'exercice. La recherche scientifique traitant du système respiratoire des patients atteints d'EM/SFC révèle un taux de prévalence élevé d'écoulement nasal (coryza) (Baraniuk et coll. 1998), une détérioration de la capacité respiratoire (De Lorenzo et coll. 1996), d'une hyperréactivité bronchique (Nijs et coll. 2003), d'infections respiratoires (Auger et coll. 1994), d'une baisse de la consommation maximale d'oxygène durant la mesure de la performance à l'exercice (De Becker et coll. 2000) et d'une hausse du taux de prévalence d'hyperventilation (59 %) comparativement à celui de groupes témoins en santé (22 %) (Bazelmans et coll. 1997). L'hyperventilation n'est pas un facteur étiologique de l'EM/SFC, mais elle est susceptible de constituer un facteur de perpétuation de l'affection chez certains patients, surtout chez ceux qui éprouvent de la difficulté à accepter leur condition (Bogaerts et coll. 2007).

Une ventilation optimale exige un fonctionnement adéquat des muscles respiratoires, y compris du diaphragmme, et une bonne synchronisation des mouvements respiratoires (Cahalin et coll. 2002). On observe fréquemment une altération de la synchronisation respiratoire dans les cas d'EM/SFC, caractérisée par l'épuisement du diaphragme ou un mouvement paradoxal de ce dernier (McCully et coll. 1996, Sisto 1995). Cette altération pourrait expliquer l'hyperventilation, la détérioration de la capacité respiratoire, l'essouflement au cours de l'exercice, la récupération difficile et l'aggravation des symptômes habituellement observés chez ces patients à la suite d'un exercice.

D'après une étude effectuée auprès de 20 patients atteints d'EM/SFC, 5 patients (25 %) présentaient une altération de leur schéma respiratoire (Nijs et coll. 2008b). Comparativement aux patients n'ayant reçu aucun traitement, le recours à une séance de 30 minutes de rééducation respiratoire a entrainé une diminution aiguë (tout de suite après l'intervention) de la fréquence respiratoire (p<0.001) et une augmentation du volume respiratoire (p<0.001) (Nijs et coll. 2008b). En plus de viser l'amélioration de la respiration et des fonctions pulmonaires, la rééducation respiratoire peut s'avérer utile pour réduire les symptômes d'hyperventilation ou s'inscrire dans le cadre d'un programme de gestion du stress (comme technique de relaxation consistant à détourner l'attention du facteur de stress vers le schéma respiratoire – voir ci-dessus). D'autres études s'imposent pour vérifier la pertinence de la rééducation respiratoire dans les programmes de réadaptation destinés aux personnes atteintes d'EM/SFC.

La gestion (ou autogestion) de l'activité: faut-il avoir recours à l'équilibrage ou à la gradation de l'activité, ou aux deux stratégies?

L'autogestion de l'activité pour les personnes atteintes d'EM/SFC consiste à encourager les patients à équilibrer leur niveau d'activité et à respecter leurs limites sur les plans physique et mental (Shephard 2001, Pardaens et coll. 2006). On a nommé cette stratégie d'autogestion l'équilibrage du niveau d'activité. Elle consiste à encourage le patient à assurer un équilibre entre l'activité et le repos afin d'éviter l'exacerbation de ses symptômes (Nijs et coll. 2008a). L'équilibrage du niveau d'activité par le patient exige que celui-ci se fixe des objectifs quotidiens d'activité ou d'exercice réalistes (Shephard 2001) et qu'il surveille régulièrement et ajuste son niveau d'activité ou d'exercice sur le plan de l'intensité, de la durée et des périodes de repos afin d'éviter un surmenage éventuel qui pourrait aggraver ses symptômes. L'équilibage tient compte des fluctuations considérables de la gravité des symptômes (Shephard 2001) et de la récupération difficile suivant un exercice (Paul et coll. 1999) survenant habituellement chez les patients atteints d'EM/SFC. De plus, Il tient compte du processus de sensibilisation centrale. Les techniques d'équilibrage du niveau d'activité par le patient encourage une modification du comportement tout en reconnaissant les aspects physiques de la maladie. Des lignes directrices relatives au recours à l'autogestion de l'équilibrage du niveau d'activité dans le cadre d'un programme complet de réadaptation pour les personnes atteintes d'EM/SFC sont présentées ailleurs (Nijs et coll. 2008a).

Bien qu'il existe de solides fondements théoriques à l'appui du recours à l'autogestion de l'équilibrage du niveau d'activité (Nijs et coll. 2008a), les preuves scientifiques sont rares. Une étude non contrôlée a signalé l'incidence de résultats positifs à la suite de 3 rencontres individuelles avec des patients relativement à la gestion de l'équilibrage du niveau de leur activité (Nijs et coll. 2009) et une autre étude a indiqué que les personnes atteintes d'EM/SFC qui sont en mesure de demeurer dans les limites de leur « budget énergétique » ont montré d'importantes améliorations (Jason et coll. 2009).

L'autogestion de l'équilibrage du niveau d'activité vise à stabiliser l'état de santé du patient. Après la phase initiale de stabilisation, une phase graduelle est amorcée et comprend une thérapie par activités ou exercices graduels (figure 1). Au cours de cette phase, les mêmes principes d'équilibrage sont appliqués aux activités de la vie quotidienne, de même qu'aux niveaux d'exercice. Lorsque l'on détermine le niveau d'exercice qui convient au patient, il est nécessaire d'adopter un programme formel et dirigé d'exercices légers, graduels, flexibles et pouvant être modifiés en fonction des capacités de chaque individu. L'appui en faveur de ce type de « gradation » pour les personnes atteintes d'EM/SFC provient d'une étude par observation (Coutts et coll. 2001) et d'un essai clinique contrôlée à répartition aléatoire bien conçu dans lequel on indiqué que les exercices graduels personnalisés permettaient d'obtenir des résultats supérieurs à la relaxation et à l'entrainement de la flexibilité chez les patients atteints d'EM/SFC (Wallman et coll. 2004). Il sera question du recours à la thérapie par exercices graduels pour les personnes atteintes d'EM/SFC dans le paragraphe ci-dessous.

Application de la thérapie par l'exercice: gare au malaise après l'effort

Les bienfaits associés à l'exercice graduel ont été démontrés pour la première fois par Fulcher et White (1997) dans le cadre d'un essai contrôlée à répartition aléatoire d'une durée de 12 semaines. Ils ont comparé l'efficacité des exercices graduels à celle des exercices de flexibilité chez les participants atteints d'EM/SFC. Depuis, un certain nombre de recherches ont étudié l'efficacité de la thérapie par exercices graduels dans le traitement de l'EM/SFC (par exemple, Weardon et coll. 1998, Powell et coll. 2001). Selon la Cochrane Library, la thérapie par exercices graduels est efficace dans le traitement à court terme des patients atteints d'EM/SFC (Edmonds et coll. 2004). Cependant, il faut reconnaitre que cette thérapie ne convient pas à toutes les personnes atteintes d'EM/SFC à n'importe quelle stade de leur maladie. En revanche, elle peut constituer l'une des composantes d'une approche plus générale de réadaptation de l'EM/SFC.

La majorité des essais cliniques portant sur la thérapie par l'exercice chez les personnes atteintes d'EM/SFC ont recours à une approche fondée sur le temps. Bien que les résultats de ces études aient été positifs, une approche fondée sur le temps vient en quelque sorte contredire notre compréhension actuelle du malaise après l'effort en tant que symptôme typique des personnes atteintes d'EM/SFC (figure 1). L'introduction d'exercices qui dépassent les capacités d'un participant pourrait non seulement favoriser une rechute, mais également générer des sentiments de découragment et de la douleur, renforçant ainsi leur comportement d'évitement (figure 1). Par conséquent, Wallman et coll. (2004) ont introduit l'approche d'équilibrage dans la thérapie par l'exercice pour les personnes atteintes d'EM/SFC. Ils ont conçu un programme d'exercices graduels flexibles, réalistes et modifiables en fonction des besoins et des capacités de chaque individu. Le programme prévoit des périodes de repos en conjonction avec des périodes d'exercice, étant donné que cette technique permet d'instaurer une routine réalisable favorisant un sentiment de contrôle sur sa propre vie (Pheby 1997, Sharpe et coll. 1997). Contrairement à l'approche à contingence temporelle de l'exercice qui est habituellement privilégiée par les tenants de la thérapie par l'exercice à orientation cognitivo-comportementale, Wallman et ses collaborateurs (2004) ont montré qu'une approche fondée sur les symptômes de la thérapie par l'exercice peut s'avérer tout aussi efficace pour les personnes atteintes d'EM/SFC. Des lignes directrices détaillées relativement à l'application de ce type de thérapie par exercices graduels flexibles chez les personnes atteintes d'EM/SFC sont présentées ailleurs (Wallman et coll. 2005).

La thérapie cognitivo-comportementale

À l'écart de la thérapie par exercices graduels, un autre type de traitement conservateur a démontré ses bienfaits auprès des personnes atteintes d'EM/SFC: la thérapie cognitivo-comportementale s'avère efficace dans la réduction de la fatique et l'amélioration du fonctionnement des patients atteints d'EM/SFC à court terme (Price et coll. 2008, Prins et coll. 2001). Une guérison complète a même été signalée dans certains cas (Knoop et coll. 2007). La thérapie cognitivo-comportementale se concentre sur une gamme de facteurs de perpétuation (par exemple, perceptions de la maladie, adaptation, acceptation, etc.) plutôt que de chercher les facteurs étiologiques de la maladie. Ce faisant, les thérapeutes cognitivo-comportementalistes visent à accroitre et à maximiser le fonctionnement des patients. Les programmes cognitivo-comportementaux destinés aux personnes atteintes d'EM/SFC combinent une diversité d'options thérapeutiques, dont certaines ont été expliquées ci-dessus (par exemple, l'éducation, la gestion de l'activité fondée sur le temps, la thérapie par exercices graduels fondée sur le temps, la gestion du stress, les conseils sur le sommeil, la fixation d'objectifs, etc.).