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Primegen Cellules souches et Nanotubes
L’affaire intrigue. Une entreprise de biotechnologie fondée voici une demidouzaine d’années par des entrepreneurs venant d’autres secteurs industriels affirme avoir trouvé un moyen d’obtenir des cellules souches embryonnaires humaines par une technique de reprogrammation cellulaire plus élégante et plus prometteuse d’un point de vue pratique que celle présentée par Shinya Yamanaka et confirmée par James Thompson l’année dernière.
Si Primegen Biotech a raison, c’est une découverte considérable. On est toutefois sceptique, attendant impatiemment les précisions promises par la firme qui devraient être présentées en juin lors de la conférence annuelle de la société internationale de la recherche en cellules souches, à Philadelphie. C’est que Primegen, de prime abord, se comporte moins comme une entreprise de biotechnologie conventionnelle du secteur (du type Advanced Cell Technology) et plus comme un titre spéculatif, cherchant à attirer des capitaux sans trop montrer sa main...
Dans le domaines des CSEh (cellules souches d’embryons humains), l’année 2007 a été dominée de la tête et des épaules par Yamanaka, le professeur de l’université de Kyoto qui a montré comment reprogrammer des cellules somatiques en cellules souches pluripotentes. La technique, démontrée en 2006 pour des cellules de souris, s’avérait applicable à l’homme. Non seulement Yamanaka en faisait une description détaillée dans Cell mais son approche était confirmée séparément dans Science par la sommité du secteur, James Thompson de l’université du Wisconsin.
Des nanoparticules miracles
Dans la foulée, la Maison Blanche se réjouissait de cette aubaine politique. Après des années d’opposition têtue au financement de la recherche en CSEh (cellules souches d’embryons humains), George W. Bush voyait enfin sa position confortée, affirmant qu’il suffisait d’attendre pour que la R&D; moderne trouve une solution moralement satisfaisante, l’obtention de cellules souches embryonnaires... sans embryon. Les chercheurs du secteur, eux, avaient tout lieu de se réjouir puisque la technique, outre ses avantages éthiques, élimine le casse-tête moral, logistique et financier de l’obtention d’ovules qui était jusqu’alors une étape obligée de la recherche. La technique de Yamanaka n’est pourtant pas sans inconvénient potentiel.
Elle utilise un rétrovirus pour introduire des gènes régulateurs dans la cellule somatique à modifier. Les gènes et leur vecteur, par leur action assez générale et envahissante, pourraient bien déclencher des problèmes inattendus, en particulier des cancers.
C’est là qu’affirme intervenir Primegen. L’entreprise, dans une déclaration peu détaillée lors d’un modeste Sommet des cellules souches du 26 février, à New York, dit contourner l’obstacle en changeant de vecteur. Au lieu d’utiliser un rétrovirus, Primegen semble utiliser des nanoparticules de carbone comme support de matériel génétique pour administrer les mêmes gènes que Yamanaka à des cellules somatiques.
Non seulement le procédé fournirait lui aussi des cellules souches embryonnaires « induites » mais John Sundsmo, le président de Primegen, affirme qu’il est trois à quatre fois plus rapide que la méthode rétrovirale, fournissant des marqueurs de pluripotence en une à deux semaines à peine, et fournit jusqu’à mille fois plus de colonies de cellules reprogrammées. « Parce que cette méthode est si rapide et efficace, nous croyons qu’elle peut conduire à des thérapies utilisant les cellules du patient luimême » affirme Sundsmo. Pour enfoncer le clou, Primegen a aussitôt formé une alliance avec Unidym, un spécialiste de la technologie des nanotubes de carbone, pour développer des applications médicales de son procédé. Il reste évidemment à démontrer que les nanoparticules, si elles évitent les problèmes associés aux rétrovirus, ne créent pas des effets néfastes différents.
Problème de culture
Est-ce trop beau pour être vrai ou s’agit t-il d’une différence de culture industrielle ? Primegen est une firme fondée par deux anciens de l’industrie électronique, le CEO Thomas Yuen (AST Research) et John Tu, fondateur du fabricant de mémoires flash Kingston (Sundsmo, lui, est un microbiologiste et immunologue). Tous deux viennent d’un secteur qui se fait entendre plus souvent par communiqués de presse et effets de manche que par publications scientifiques. Cela ne veut pas dire pour autant que la technologie n’existe pas. Du reste, le fiasco désormais célèbre des travaux de Hwang Woo Suk montre assez que les publications scientifiques peuvent elles aussi conduire à un excès de confiance et être utilisées pour appâter l’investisseur. Mais on attend avec impatience de voir si Primegen, après avoir tant promis, peut donner des preuves de son exploit...