Microbiologi…
Microbiologie  Environnement 
Jeune discipline cherche concepts...
La 3ème édition du colloque d’écologie microbienne témoigne de la jeunesse et de la vitalité de cette science. Cette vitalité est attestée par la montée en puissance du nombre de participants aux colloques de l’Association francophone d’écologie microbienne une centaine en 2003, 250 en 2007 - et par la jeunesse des participants. Alain Brauman, (IRD, unité Séquestration du carbone et biofonctionnement des sols, SeqBio) qui faisait partie du comité local d’ organisation du dernier colloque, resitue la discipline : « Si la microbiologie existe depuis la fin du XIXème siècle, l’écologie microbienne a vraiment décollé grâce aux outils moléculaires dans les années 1980. Il a fallu d’abord s’attaquer à la caractérisation d’une diversité phénoménale. Savez-vous qu’un gramme de sol de forêt contient 10 000 espèces bactériennes ? ». Si les écologues microbiologistes disposent d’outils puissants, les concepts restent à poser. La faible part de la modélisation dans ce congrès (3 posters sur plus de 120) en est une claire démonstration. En effet, les concepts écologiques actuels ont été forgés en relation avec des organismes de grande taille pour lesquels la notion d’espèce - fondamentale - est claire. Or, dans le monde microbien, cette notion est floue puisque le critère de sexualité n’est pas applicable, les bactéries pouvant échanger des fragments plus ou moins importants d’ADN. La question est donc de savoir si les concepts d’écologie doivent être revisités à l’aune des particularismes microbiens. Ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une table ronde spécifique.
Les bactéries offrent à l’écologie un modèle expérimental facile à étudier grâce notamment à un renouvellement des générations extrêmement rapides et des fonctions bien identifiées dans les écosystèmes (exemple : les bactéries nitrifiantes transforment l’ammoniaque en nitrates). Au-delà de ces particularités, les microorganismes sont des acteurs majeurs du fonctionnement de la planète à travers leurs rôles essentiels dans les flux de matière et d’énergie et, face aux défis actuels des changements globaux, leur prise en compte dans les recherches relatives à l’ environnement doit être accentuée. Ils ont par exemple un rôle prépondérant dans la production de gaz à effet de serre comme le protoxyde d’azote et le méthane. Malgré une prise de conscience progressive, les travaux développés aux niveaux national et international ne sont pas suffisamment diffusés au sein même de la communauté d’écologistes microbiens.
Le récent colloque a permis de créer des contacts entre les écologistes terrestres et aquatiques qui ont des façons très différentes d’aborder les concepts, parce que leurs objets d’étude ne sont pas appréhendés de la même façon dans leurs écosystèmes respectifs. Dans les milieux aquatiques, les bactéries photosynthétiques sont en position de producteurs primaires et donc les chercheurs s’ intéressent prioritairement à leur rôle dans la chaîne alimentaire ; tandis que dans les milieux terrestres ce sont les plantes qui occupent la base de cette chaîne trophique, et l’intérêt des chercheurs se porte alors d’abord sur la fonctionnalité des microorganismes.
L’IRD, représenté à la fois dans le conseil d’administration et dans le conseil scientifique de l’Association francophone d’écologie microbienne, est un acteur majeur de cette discipline dans les environnements tropicaux notamment dans les milieux extrêmes (unité mixte Écologie microbienne d’environnements naturels et anthropisés) les milieux sols et tubes digestifs (Seqbio, et unité Biodiversité et écologie fonctionnelle des microorganismes pour la Transformation de composés récalcitrants), les milieux sol/plante (unité mixte Symbioses tropicales et méditerranéennes) et les systèmes aquatiques (unité Cyanobactéries des milieux aquatiques tropicaux).
L’étude des bactéries peut apporter des réponses à l’une des questions actuelles : Quelle est la fonction de la diversité ? « Si l’on enlève 99 % des bactéries d’un sol, celui-ci semble continuer à fonctionner normalement ce qui montre qu’il y a un taux de redondance important. Mais ce sol qui a perdu sa biodiversité conserve-t-il son adaptabilité en cas de perturbations prévisibles tels que les changements climatiques annoncés ? », se demande Alain Brauman.